Portée probatoire de l'état des lieux établi sans Commissaire de Justice

L’issue d’un bail d’habitation peut être source d’une profusion de litiges entre locataires et bailleurs concernant la restitution du dépôt de garantie. Cette somme d’argent versée par le locataire, dès la signature du bail, doit être conservée par le bailleur avant d’être restituée à l’issue du contrat.

Le dépôt de garantie couvre les éventuels manquements des locataires, notamment les loyers et charges impayés ou le coût des dégradations engendrées. Aussi, selon les impayés et les dégradations constatés, le bailleur peut conserver tout ou partie du dépôt de garantie.

Cependant, le bailleur doit être en mesure de prouver les sommes qu’il retient, notamment par un état des lieux de sortie. Or, la Cour de Cassation vient de rappeler l’absence de valeur probatoire d’un tel état des lieux lorsque le bailleur l’a dressé de manière non contradictoire et hors la présence d’un Commissaire de Justice.

Le litige ayant conduit au pourvoi s’est cristallisé entre des locataires et leur bailleur à l’issue du bail. En effet, après avoir libéré les lieux, à l’issue d’un congé, les locataires ont saisi le tribunal en restitution du dépôt de garantie, le bailleur s’est opposé à leur demande en invoquant des désordres locatifs.

Le tribunal a condamné le bailleur au paiement d’une certaine somme au titre de la restitution du dépôt de garantie et des majorations de retard.

Saisie par le bailleur, la Cour de Cassation énonce que selon l'article 3-2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, si l'état des lieux ne peut être établi contradictoirement et amiablement par les parties ou par un tiers mandaté par elles, il est établi par un Commissaire de Justice, sur l'initiative de la partie la plus diligente, son coût devant être partagé par moitié entre le bailleur et le locataire.

Elle rappelle également sa jurisprudence aux termes de laquelle le constat dressé par un Commissaire de Justice, même de manière non contradictoire, vaut à titre de preuve dès lors qu’il est soumis à la libre discussion des parties (Cass. civ. 1, du 12 avril 2005, n° 02-15.507).

Elle déduit des éléments précités qu’un état des lieux de sortie établit par le bailleur de manière non contradictoire en raison de sa carence et sans recours à un Commissaire de Justice, ne peut faire la preuve de dégradations qu’il impute au locataire.

En l’espèce, le bailleur avait connaissance du départ des locataires, mais ne démontrait pas avoir tenté d’établir amiablement l’état des lieux de sortie et n’avait fait appel à aucun Commissaire de Justice.

Par conséquent, la Cour de Cassation conclut que le bailleur ne pouvait faire la preuve des dégradations listées dans l’état des lieux et qui seraient imputables aux locataires et rejette son pourvoi.

Référence de l’arrêt : Cass. civ. 3, du 16 novembre 2023, n° 22-19.422.